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Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 6


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Pendant que l’homme à l’allure de majordome servait le repas, Bruno en apprit un peu plus sur les circonstances. Ils étaient désormais six. Six personnes venant d’horizons différents qui s’étaient un jour réveillés dans cet hôtel dans des conditions semblables aux siennes.

Après la surprise, il y avait eu le questionnement ? Pourquoi étaient-ils ici ? Ils étaient bien traités. On ne leur demandait rien. Ils avaient exploré le vaste domaine de plusieurs hectares sans trouver le moyen de partir, empêchés par l’immense mur d’enceinte. Ils avaient bien essayé d’interroger les autres individus au sort différent du leur. Ils les avaient même menacés pour exiger des réponses. Ces trois personnes attachées au service hôtelier restaient muettes sauf pour prononcer les phrases liées à leur fonction. Faute de connaître leurs noms, les premiers « prisonniers » les avaient baptisés par dérision : Scapin pour le « valet » Fiacre pour le « jardinier » et Hercule pour le « colosse » qui jouait le rôle de gardien du domaine. Jérôme l’avait vérifié à ses dépens, le jour où il avait tenté d’escalader le mur d’enceinte. Jamais il n’aurait réussi, mais Hercule s’était cependant chargé de le rappeler à l’ordre en l’attrapant par le col pour le remettre dans la direction de l’hôtel.

Pendant le repas, chacun des captifs avait expliqué le contexte de son enlèvement. Les méthodes et les lieux variaient : du somnifère à la matraque, du domicile au « loin de chez soi ».

Rien qui permettait de trouver un point commun entre les six.

Seul le cas de Jérôme affichait un contexte différent. Il avait été le premier arrivant. La voix de la télévision de sa chambre lui avait ordonné de jouer le coordinateur du groupe et d’assurer le suivi médical. Il n’avait pas eu le temps de refuser, sans savoir par ailleurs comment il aurait pu procéder. Une vidéo avait suivi, lui montrant sa femme et son fils de dix ans à la sortie de l’école. Film plein de sous-entendus. Il avait compris la menace et s’était conformé aux ordres.

Bruno les observait tous. Trouver le détail qui les aurait rapprochés ! L’âge ? Certainement pas. Renaud semblait le plus âgé. Soixante ? Soixante-dix ? Sans conteste, Ariane était la plus jeune : la trentaine. Et la plus réservée du groupe. Bien différente de Norbert qui s’empiffrait et ne gardait pas souvent son verre plein. Au passage, le vin, un Condrieu, était excellent.

Une réflexion traversa la tête de Bruno. Il s’en ouvrit à ses « compagnons de captivité ».

– Je ne voudrais pas vous effrayer, mais notre situation me fait penser à Dix Petits Nègres d’Agatha Christie.

Il fallut faire un rapide cours de littérature contemporaine à Norbert pour lui résumer le roman policier : l’histoire de dix personnages invités sur une île et assassinés les uns après les autres.

– Oui, c’est vrai, réagit Claire qui semblait avoir évacué sa gêne du début de repas. On a déjà échangé sur ce sujet. Il y a d’ailleurs beaucoup d’autres fictions du genre. Des romans, des pièces, des films qui mettent en scène des gens rassemblés en un même lieu sans en connaître la raison. Dans ce contexte, on a aussi évoqué Huis clos de Sartre et bien d’autres. Mais ça ne colle pas : si ceux qui nous ont enfermés ici veulent nous tuer, pourquoi prennent-ils autant de soin avec notre santé ? Pour exemple, le test viral de notre arrivée.

Bruno écoutait. Elle n’avait pas tort.

Un doute lui vint. Comment Jérôme Bellenci avait-il procédé pour l’analyse du test ? Il interrogea le médecin.

– Oui, je comprends vos soupçons, répondit le praticien. Sachez que chaque fois, je me suis contenté de remettre le prélèvement à Scapin. Le résultat du test m’est revenu quelques heures plus tard par le même canal. En aucun cas, je n’ai eu le moindre contact avec l’extérieur.

Le médecin compléta ses propos en évoquant d’autres hypothèses comme celle d’une étude psychologique à laquelle ils participeraient malgré eux. Tous seraient épiés par des caméras. Leurs faits et gestes seraient analysés.

– La semaine dernière, nous avons fouillé tous les recoins de l’hôtel, sans oublier nos chambres. Bizarrement, le personnel nous a laissé faire. Bilan : aucune vidéosurveillance, à part les deux caméras de l’entrée. Rien de plus normal pour un hôtel.

Les conversations suivantes finirent par mettre à niveau Bruno. Il connaissait désormais dans le détail le fonctionnement de la vie dans l’hôtel, sans toutefois en avoir appris davantage sur les raisons de sa présence dans cette prison dorée.

Lorsque Claire quitta la table, il se précipita vers elle et lui lança une invitation :

– On prend un café ensemble sur la terrasse ?

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