Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 7
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Ils s’étaient installés à une table sur la terrasse. La température était douce. Claire attendait Bruno reparti chercher les cafés à l’intérieur. Le passé défilait dans sa tête.
La première image fut celle du lycée. Bien que le détail fût sans importance, Claire essaya de retrouver l’année. Ça devait être 1985. Elle avait quatorze ans. Elle était entrée en classe de seconde avec un an d’avance. Peut-être la raison pour laquelle elle avait du mal à partager les centres d’intérêt des autres filles âgées d’un à deux ans de plus qu’elle. La mode, le maquillage, les garçons, ce n’était pas son truc.
Elle avait tout de même réussi à trouver celle que l’on nomme « la meilleure copine » pour lui confier quelques secrets d’adolescente.
La fin de l’année scolaire approchait quand un professeur d’EPS eut l’idée d’organiser des rencontres sportives interclasses. Claire choisit naturellement le badminton, activité qu’elle pratiquait au lycée depuis la rentrée.
Pour mélanger les classes et équilibrer les niveaux, le prof de gym organisa des tournois en mixte. Et pour éviter tout copinage, l’ordre alphabétique fut retenu pour constituer les groupes. Claire Masurier récupéra pour équipier un élève boutonneux de la classe de seconde A2.
– Bonjour, je m’appelle Bruno. Et toi ? C’est bien qu’on fasse équipe.
Un peu lourd le mec ! Elle se présenta sobrement pour respecter la politesse que ses parents lui avaient enseignée.
– Moi c’est Claire. Seconde A1.
La partie s’engagea. Les deux lycéens n’avaient jamais joué ensemble. Pourtant une connivence sportive s’installa. Chacun sut se placer sur le terrain en fonction de l’autre. Claire était au filet quand Bruno était derrière et vice-versa. Il y avait toujours une raquette pour renvoyer le volant.
L’équipe adverse fut facilement éliminée.
Le duo continua à gagner et se qualifia plusieurs fois pour les tours suivants.
Le niveau montait au fil des éliminations, et très logiquement, l’équipe Martel-Masurier se fit sortir en quart de finale ! Qu’importe, cette aventure sportive avait créé des liens entre elle et lui.
Les jours suivants, ils se retrouvèrent après la cantine pour discuter. Cela commença par les banalités de leur vie de lycéen, comme la liste de leurs profs.
– Tu as qui en Histoire-géo ? avait demandé Bruno qui avait déjà un goût prononcé pour cette matière.
– Bobosse !
C’était l’âge où le surnom des enseignants l’emporte sur les patronymes.
– Cool ! Il est super.
– Tu parles, il déteste les filles.
Bruno prit rapidement la place de la « meilleure copine » dans le cœur de Claire. Les deux lycéens s’entraidaient pour les devoirs, chacun apportant le soutien à l’autre dans les matières où il excellait. L’histoire pour Bruno, l’anglais pour Claire. Vint le temps des confidences.
Chacun voulait refaire le monde à sa façon.
Tous les ingrédients étaient réunis pour que débute un flirt. Étrangement, il n’en fut rien. Les deux lycéens terminèrent l’année scolaire en restant les meilleurs amis du monde.
De retour avec les deux cafés, Bruno sortit Claire de ses pensées.
– Désolé d’avoir été un peu long, mais Renaud et Norbert étaient au bar. Ils ne me laissaient pas partir.
– Qu’est-ce qu’ils te voulaient ?
– Mon avis sur cette situation de se retrouver prisonnier sans savoir pourquoi. Je les ai renvoyés au feuilleton Le Prisonnier avec Patrick McGoohan.
– Connais pas.
– Mais si, une série des années 60 !
– Ah oui, c’est vrai, tu as toujours été branché par ces antiques feuilletons télé. Désolée, je n’étais pas née, toi non plus d’ailleurs. Et ça parle de quoi ?
– Un agent secret anglais qui est endormi par un gaz anesthésiant dans son appartement. Il se réveille dans un lieu nommé « le Village ». Il est prisonnier, tout comme les autres résidents. Tous portent un numéro. Il est le « Numéro 6 ». Et…
Il s’interrompit, interpellé par les derniers mots qu’il venait de prononcer.
