Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 9
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Renaud était accoudé au bar. Il observa Norbert passer de l’autre côté du comptoir, tirer une porte et fouiller parmi les bouteilles. Il en attrapa une au fond du rayonnage. Il prit un verre et commença à se servir.
– Celle-là, je me la suis mise de côté, c’est un Speyside, vingt ans d’âge.
Tout en buvant son café, Renaud le regarda vider le verre d’un trait.
– Vous supportez ? demanda le sexagénaire. Moi une dose comme ça et je suis ivre.
– Question d’habitude ! Et puis je n’ai trouvé que ça pour supporter cet enfer.
– N’exagérez pas ! Nous sommes privés de liberté, je vous l’accorde, mais nous sommes traités comme des VIP. Je pense que l’enfer, c’est autre chose.
– Rien à foutre de bien bouffer ! J’veux rentrer chez moi. J’vais pas passer mon temps à attendre pour voir arriver un nouveau tous les trois ou quatre jours. Au fait, t’en penses quoi du dernier ?
Renaud ne releva pas le tutoiement qu’il ne souhaitait surtout pas instaurer avec cet ivrogne. L’effet du whisky sans doute.
– Le prof d’histoire ? Sympathique. Et vous, qu’en pensez-vous ?
– Pas grand-chose, j’ai rien compris à son histoire de feuilleton télé. Je me demande pourquoi il est là, lui ?
– Parce que vous, vous savez pourquoi vous êtes là ?
– Oh non ! J’ai rien demandé à personne. Remarque, je dois pas beaucoup leur manquer dehors.
– Pourquoi ?
– Personne m’attend : j’ai pas d’boulot. Et toi tu bosses dans quoi ? Tu nous l’as jamais dit.
– Je suis à la retraite.
Il se préparait à esquiver la question sur son ancien métier. Ce ne fut pas nécessaire. La conversation fut interrompue par le professeur d’histoire qui revenait vers eux.
– Te revoilà, on te manque ? lança Norbert avec l’air caricatural de quelqu’un d’un peu éméché.
Il serrait le goulot de sa bouteille posée sur le comptoir.
– Tu bois quelque chose, poursuivit le buveur de whisky en universalisant le tutoiement.
– Non merci, je reste sur mon café. J’avais juste une question à vous poser : je suis le sixième arrivant. Si j’ai bien compris, le docteur Bellenci a été le premier à se retrouver ici. Mais ensuite, quel a été l’ordre des arrivées ?
– Pour ma part, j’ai été le quatrième. Ariane est arrivée juste après moi. Et enfin, ça a été vous ce matin. Pour les trois premiers, je ne sais pas.
Le whisky n’empêcha pas les neurones de Norbert de fonctionner. Il compléta :
– Moi j’étais le deuxième. Après y’a eu Claire.
Il marqua une pause et ne put s’empêcher d’ajouter quelques propos désobligeants à l’égard des deux femmes du groupe :
– Claire, je m’la ferais bien. Elle est restée pas mal pour son âge. Mais j’préfère quand même Ariane. Un joli p’tit bout, Ariane. Vous savez qu’elle est mannequin ?
– Oui, oui, on sait, acquiesça Norbert en s’éloignant.
Il entraîna Bruno avec lui et lui glissa à l’oreille
– Il vaut mieux le laisser cuver. L’autre jour, j’ai essayé de le raisonner quand il essayait lourdement de séduire Ariane. J’ai manqué prendre son poing dans la figure.
Bruno profita de l’instant pour poser quelques questions complémentaires, puis remonta dans sa chambre.
Il s’allongea sur le lit.
Claire envahit son esprit. Les images de 2011 s’invitèrent à la suite.
Pour chasser cette pensée récurrente, il alluma la télévision. Pas de message automatique. La sélection de l’icône « Actualités » lui afficha les prévisions météorologiques :
« Beau temps avec toutefois quelques averses éparses à prévoir. »
Et pour la première fois, une information du monde extérieur :
« Depuis le début de l’épidémie, le virus a tué 372 personnes en France. Pour votre salut, restez confinés ! »
La dernière phrase se voulait-elle être de l’humour ? Bruno remarqua aussi le mot « salut ». Avait-il sa connotation religieuse ? L’île aux pécheurs, le salut…
Faute de réponse, il passa à l’icône suivant « Vos favoris ». Il appuya sur la touche et découvrit ceci :
(NDLA : Faites comme Bruno, chers lecteurs, cliquez sur le lien ci-dessus !)
