Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 10

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Le générique de la série "Le Prisonnier". Une fois de plus, un feuilleton culte, sûrement pas un hasard ? Ceux qui le retenaient ici le connaissaient bien, à moins que… L’idée d’un complice parmi les captifs lui traversa la tête. Ça s’était déjà vu dans les fictions dont l’histoire ressemblait à ce qu’il vivait. Qui l’avait entendu parler de la série tout à l’heure ? Claire et auparavant Renaud et Norbert. Ariane était aussi passée à côté d’eux pendant la conversation. Donc tous étaient suspects, à part Jérôme.

À moins que l’explication fût plus simple : ses ravisseurs connaissaient déjà son goût prononcé pour les feuilletons des années soixante. Son réveil au son d’Amicalement Vôtre en témoignait.

La piste ne donnait rien. Il était inutile de gamberger davantage. Il interrompit le générique et découvrit avec surprise l’intégralité des épisodes du feuilleton affiché en dessous. Finalement, il céda à la facilité et lança la visualisation du premier numéro avec pour objectif : enchaîner quelques épisodes jusqu’au repas du soir. Après tout, s’il était resté chez lui, quelle différence avec dehors ? La population était confinée chez elle depuis mardi !

Bruno flemmarda jusqu’au moment du dîner.

Il descendit à la salle à manger. Il y avait déjà Renaud et Ariane qui s’étaient installés à une table pour deux. On aurait dit un père et sa fille dînant ensemble. Par discrétion, le professeur d’histoire gagna un endroit à l’écart pour prendre place. Sans surprise, Claire était absente. Bruno avait un instant espéré la voir malgré l’intention qu’elle avait manifestée de dîner dans sa chambre.

Jérôme arriva et demanda à Bruno l’autorisation de partager sa table. Ce dernier accepta, naturellement.

C’est alors que Norbert débarqua et se rendit directement à la table d’Ariane et de Renaud. Les remarques lourdes et inconvenantes fusèrent.

– Ne devrions-nous pas intervenir ? s’inquiéta Bruno.

– Non, laissez faire, lui répondit le médecin. Ils sont assez grands pour se débrouiller seuls. Ariane affiche un faux air de petite fille fragile. Elle l’a déjà remis en place plusieurs fois.

– Je ne l’aurais pas cru.

– Un mannequin doit savoir se défendre. Les prédateurs ne manquent pas dans cet environnement.

Il changea de sujet.

– Alors, où en êtes-vous après une journée dans cette prison ?

– Je cherche toujours.

– Et vous trouvez ?

– Pour l’instant, non. Ceux qui m’ont enlevé me connaissent bien. J’ai droit à mes séries cultes à la télé.

– Normal. Moi je suis fou de voile, et les favoris sur ma télé m’ont déjà proposé les rétrospectives de la Route du Rhum et de l’America's Cup. « Ils » nous connaissent tous parfaitement.

– Il faudrait trouver un point commun entre nous.

– J’y ai déjà réfléchi. Les âges, les statuts, les métiers de chacun sont tous différents. Les villes d’où nous venons aussi. Rien ne nous réunit. Sauf Claire et vous. Vous vous connaissiez avant.

– Oui, c’est exact. Mais ça date. Nous avons fréquenté le même lycée. Nous étions amis. Nos chemins ont ensuite divergé. Elle a étudié le Droit, mois l’Histoire. Puis elle a épousé le célèbre golfeur Dan Lachard avec qui elle a eu trois enfants. Et moi de mon côté, je suis resté célibataire. Personne ne voudrait partager ma vie de rat de bibliothèque, de chercheur et d’enseignant.

– Claire est la femme de Dan Lachard ? s’étonna Jérôme. Incroyable ! Et si on l’avait enlevée pour soutirer une rançon à son richissime mari ?

– Oui, pour elle pourquoi pas, mais nous ? En ce qui me concerne, je ne vois pas à qui ils pourraient réclamer de l’argent pour que je recouvre la liberté.

Plein d’autres hypothèses fusèrent jusqu’à la fin du dîner, puis Bruno prit congé du praticien. La nuit tombait. Il sortit dans le jardin. Il voulait vérifier quelque chose.