Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 20
- Alain DECORTES
- 11 avr. 2020
- 3 min de lecture

20
Île aux pécheurs – vendredi 20 mars 2020, 8h
Quoique réveillé depuis une bonne demi-heure, Bruno sursauta au démarrage automatique de la télévision.
Certes, la série n’était pas la même que celle du matin précédent, mais la répétition du réveil lui rappela la situation du personnage Phil Connors dans le film Un jour sans fin. En d’autres temps, il aurait volontiers regardé jusqu’au bout le générique d’Ivanhoé, mais dans le contexte présent, il préféra attraper la télécommande et arrêter la vidéo. Il balaya ensuite les menus pour découvrir de nouvelles informations. À part la météo du jour, il n’y avait rien.
Bruno se prépara rapidement pour descendre au petit-déjeuner, pressé non par la faim, mais par le désir de retrouver Claire.
Seuls Jérôme et Norbert étaient présents dans la salle à manger. Ils terminaient leur petit-déjeuner.
– Bonjour. Bien dormi ? demanda-t-il par politesse.
– Oui, répondit Jérôme. Mais, je vous avoue que je commence à m’ennuyer un peu.
– Vous n’avez pas vu Claire ce matin ? interrogea alors Bruno.
Le sourire en coin du médecin en disait long.
– Non, pas encore vue ? Elle vous manque ?
Bruno préféra ne pas répondre. Il s’installa et se servit en café et croissants. Peut-être Claire s’était-elle levée plus tôt ? Était-elle déjà partie pour la salle de sport dont elle avait parlé la veille ?
Pendant qu’il s’empressait de déjeuner, Bruno remarqua le manège rituel de Norbert. L’homme passa derrière le bar et sortit de sa cachette l’habituelle bouteille de whisky. Il la déboucha et but une gorgée.
Bruno l’observa. Quelque chose l’intriguait, mais il n’arrivait pas à trouver quoi.
Le café englouti, le prof d’histoire quitta la salle à manger. Suivant les indications enregistrées la veille, il se rendit à la salle de sport. Il avait espéré y trouver Claire, mais tous les appareils de remise en forme étaient libres et personne ne nageait dans la piscine intérieure.
Il décida d’aller prendre l’air dans le jardin pour chasser son idée fixe.
Il faisait frais. La petite brume du matin rendait l’atmosphère humide. La promenade dans les allées en solitaire le stimula pour reprendre toutes ses réflexions en cours. Il réussit enfin à s’affranchir de celles qui concernaient Claire.
Depuis les jardins, il observa l’hôtel. Avec ses deux tours et ses toits en ardoise, la demeure ressemblait à un château miniature au style inqualifiable. Un édifice de la période médiévale remanié à la Renaissance. Difficile à situer : il y en avait tant en Europe. Dans la brume matinale, l’image lui rappelait un Dufy dont il possédait une reproduction dans son salon.
Bruno était allé jusqu’au portail comme la veille. Désormais, il longeait le mur d’enceinte. Il avait parcouru plusieurs centaines de mètres quand un lapin sortit d’un bosquet, traversa devant lui et se glissa sous le mur.
Bruno s’approcha de l’endroit où avait disparu l’animal. Il se baissa et découvrit l’entrée d’un terrier. Il y glissa la main, puis la ressortit. Au moyen de ses doigts, il gratta la terre, ce qui déclencha un petit éboulement.
Il caressa alors l’idée folle de creuser à cet endroit un souterrain sous le mur.
Trouver des outils et revenir de nuit pour ne pas se faire surprendre !
L’espoir de quitter ce maudit endroit renaissait, même si quitter la propriété ne signifiait pas quitter l’île.
Bruno cacha le trou avec des feuilles sèches et repartit vers l’hôtel.
Après un aller-retour jusqu’à sa chambre pour se rincer les mains, il retourna à la salle de sport. En arrivant, il fut soulagé d’apercevoir Claire, vêtue d’un justaucorps noir et suant sur un rameur.
La jeune femme lui adressa un simple sourire sans s’arrêter de ramer. Elle se contenta de ralentir le rythme.
– Salut, lui lança Bruno. Je t’admire de t’astreindre à pratiquer ce genre d’exercice de bon matin.
– Tu devrais en faire autant. Non seulement, c’est bon pour la forme physique, mais ça aide aussi à vider la tête.
Finalement, elle s’arrêta de ramer pour boire une petite gorgée d’eau. Bruno l’observa. La figure rouge, les gouttes de sueur, le justaucorps. Il la trouvait désirable.
Non, il ne devait pas !
Il enchaîna pour ne pas se laisser entraîner par des idées insensées :
– Tu as une sacrée condition physique. Je vais prendre une raclée au bad !
– Excuse-moi, répondit-elle. J’ai très mal dormi, alors le badminton, ce sera pour une autre fois. La demi-heure de rameur, c’était juste pour ne pas perdre l’habitude.
– OK, je comprends. On va flâner dans les jardins quand tu auras terminé ton entraînement ?
– Non merci. Désolée. Aujourd’hui, j’ai besoin d’être seule.
Mieux valait en rester là !
Bruno s’apprêtait à repartir, mais auparavant, il avait une dernière chose à lui dire :
– J’ai trouvé le moyen de nous évader !
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