Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 21

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Clermont-Ferrand – le même jour, 8h30

– Mes respects mon capitaine ! Lieutenante stagiaire Perrine Vinay. À vos ordres !

Depuis son mètre cinquante-cinq, la petite brune aux cheveux courts et aux yeux bleus se tenait au garde à vous face à son supérieur. Elle conservait toutefois une bonne distance en respect des règles en vigueur dans les locaux depuis que le virus se répandait sur le territoire.

– Bonjour Lieutenante ! répondit le capitaine Pichat. Bienvenue au SRPJ de Clermont-Ferrand. Repos ! Bon, maintenant que les présentations sont faites, on va mettre les choses au point : dans mon équipe, tout le monde se tutoie et s’appelle par le prénom.

– Comme tu voudras, Roland !

Elle comprenait vite !

Le capitaine passa rapidement en revue les points concernant l’intendance et la logistique du service, puis il entra dans le vif du sujet.

– Pour te mettre en jambes, tu vas nous aider sur une enquête qui piétine. Pour commencer, je vais te donner deux ou trois documents à étudier et ensuite on en reparle.

– Bien mon cap… euh… oui d’accord Roland.

Roland Pichat ouvrit un tiroir et en sortit une chemise cartonnée bien remplie et un livre.

Perrine saisit l’ouvrage en premier et lut le titre de la couverture :

« Soldats de la rédemption »

« par Joseph Johnson »

– C’est quoi ? demanda-t-elle.

Le téléphone les interrompit. Le capitaine regarda l’écran et envoya à la stagiaire Vinay un petit signe qui voulait dire « je suis obligé de répondre », puis il décrocha.

– Salut Benoît. Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

Il écouta un court instant la réponse du lieutenant Jiménez.

– Oh, merde ! Et tu ne peux plus marcher ?

De nouveau un silence.

– Bon, ben tiens-moi au courant ! Au fait, je voulais te présenter la nouvelle stagiaire. Elle est arrivée. Tu devras attendre pour la connaître… Comment ?…Tout le contraire : elle louche et elle a des poils qui lui sortent du nez. Bon allez, repose-toi bien !

Il raccrocha. Voyant l’air stupéfait de la lieutenante, il crut bon de commenter :

– Euh… Pour le strabisme et la pilosité, c’était de l’humour.

– Tu fais bien de le préciser, répliqua-t-elle avec un petit sourire. Comme je ne me suis pas rasée ce matin, je l’avais pris au premier degré.

Avec une femme dans l’équipe, il devrait désormais surveiller ses plaisanteries. Il enchaîna plus sérieusement :

– Benoît est coincé chez lui. Au début, j’ai eu peur qu’il ait chopé le virus. Mais non, juste une chute dans ses escaliers, heureusement, si l’on peut dire. Une grosse entorse. Il doit rester chez lui pendant quelques jours.

– Mince alors !

– Je voulais que tu commences en restant au bureau, mais je n’ai pas le choix, tu vas devoir faire du terrain.

Elle afficha un sourire.

– Ce n’est pas pour me déplaire… à condition que tu remontes un peu le niveau de ton humour.

Il sourit à son tour. Elle était directe. Ça lui plaisait.

– Bon, reprenons ! Tu voulais savoir pourquoi je t’ai sorti ce bouquin. C’est la bible d’un groupe d’illuminés : Les Soldats de la rédemption.

– Jamais entendu parler !

– Rien d’étonnant. C’est la dernière mode qui nous arrive des États-Unis. Au départ, les Soldats de la rédemption étaient apparentés à l’Église de scientologie. Ils ont été rapidement exclus de la « maison mère » à cause des dérives dogmatiques qu’ils prônent.

Perrine feuilleta les premières pages. Plutôt indigeste !

– Je ne suis pas trop branché religion, poursuivit Roland Pichat. J’aurais du mal à tout t’expliquer. Le plus simple est que tu parcoures leur bible pour te faire une idée par toi-même.

Perrine fit la moue. Il le remarqua.

– Le contenu du dossier est moins indigeste que les pages du bouquin, tu verras. Une liste d’individus qu’on a dans le collimateur et quelques rapports.

– OK. Je vais étudier tout ça. Et on leur reproche quoi à tous ces gens ?

– Rien pour le moment, sauf des rapports de près ou de loin avec la secte. Mais en Amérique, leurs collègues ont un peu d’avance. Ils sont friands d’un scénario : ils confinent des gens dans un même lieu. Pas très original en ce moment, je te l’accorde. Mais l’objectif n’est pas de les protéger du virus. Ils les rassemblent pour les absoudre de leurs péchés.

– Ça se produit dans beaucoup de religions, répliqua Perrine.

– Oui, sauf que dans le cas des Soldats de la rédemption, les confinements de l’autre côté de l’Atlantique se sont toujours terminés par des massacres.