Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 22

22

Île aux pécheurs – samedi 21 mars 2020, 2h du matin

Bruno se leva du lit, satisfait d’avoir réussi à rester éveillé. Il attrapa le sac dans lequel il avait rangé la bouteille d’eau, le pain et les morceaux de sucre discrètement subtilisés au moment du repas.

Il prit soin de ne pas éclairer et quitta la chambre dans l’obscurité. Il emprunta l’escalier. Comme prévu, Claire l’attendait au rez-de-chaussée.

Pourvu que le plan échafaudé le matin-même fonctionne !

Tous deux délaissèrent le hall et la grande porte afin d’éviter les caméras de vidéosurveillance et sortirent par la salle de sport. Ils marquèrent une pause avant de se lancer. Pas d’autre solution que de traverser la pelouse éclairée par les candélabres du jardin.

La cabane était de l’autre côté. Pas d’autres choix pour l’atteindre, en espérant que tout le monde dorme !

Le projet était peut-être fou, mais pour Bruno, retrouver Claire, battante et sans état d’âme représentait déjà le début de la réussite.

– Allez, on y va !

La traversée de la pelouse dans la lumière dura une trentaine de secondes, le temps suffisant pour que la silhouette derrière la fenêtre de la tour nord de l’hôtel aperçoive les deux promeneurs noctambules en train de courir.

– L’abri de jardin est juste là, indiqua Claire.

Pourvu qu’elle ait vu juste !

Quand, au sortir de la salle de sport, Bruno lui avait raconté la découverte du terrier au pied du mur d’enceinte, Claire avait immédiatement adhéré au projet d’évasion. Selon elle, la cabane de jardin renfermait des outils. Elle avait déjà vu Fiacre les y ranger après s’en être servis.

Pour éviter tout risque d’être surpris, Claire et Bruno avaient décidé d’attendre le milieu de la nuit pour tenter leur évasion.

Le petit cadenas ne résista pas. Bruno entra en tâtonnant. Il sélectionna au toucher une pelle et une pioche. Il les sortit et les emporta avec lui après avoir confié le sac de provisions à Claire.

– Qu’est-ce que tu as mis là-dedans ? demanda-t-elle.

– De quoi survivre quand on sera de l’autre côté.

– À condition qu’on trouve rapidement un bateau pour quitter cette île !

– Si on est bien sur une île, rectifia Bruno.

La remarque laissa Claire dubitative.

La lune, toujours dans son dernier quartier, répandait une lumière juste suffisante à se repérer.

Le prof d’histoire retrouva facilement le terrier du lapin. Il posa la pelle contre le mur et commença à creuser avec la pioche.

Claire le regarda frapper le sol au pied du mur.

Après une dizaine de coups de pioche, il s’arrêta et posa son outil.

– Je vais dégager la terre maintenant, annonça-t-il.

Claire l’avait devancé en attrapant la pelle.

– Pas de raison que tu sois le seul à bosser !

Il ne chercha pas à la contredire. Après tout, cette pause lui permettrait de récupérer avant de reprendre la pioche.

Ils creusèrent et dégagèrent la terre à tour de rôle. Au vu de la vigueur déployée par Claire, Bruno repensa aux séances de rameurs que s’imposait régulièrement la jeune femme.

Désormais, le trou était profond de près d’un mètre. Quand Claire eut terminé de dégager les dernières pelletées de terre, Bruno prit sa place et explora à tâtons les fondations.

– Le béton descend encore un peu. Il faut continuer ! On y est presque. Passe-moi la pioche, s’il te plaît !

Tous les deux étaient éreintés, mais satisfaits. Bruno pensait déjà au moment où ils passeraient de l’autre côté.

Tout alla très vite : la lumière éblouissante, le cri paniqué de Claire, l’énorme masse de chair qui lui tomba dessus et puis plus rien ! Le noir complet !