Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 23
- Alain DECORTES
- 14 avr. 2020
- 3 min de lecture

23
Île aux pécheurs – lundi 23 mars 2020, 11h45
Depuis deux jours qu’il était enfermé, Bruno rongeait son frein. La porte de sa chambre se déverrouillait seulement au moment des repas, quand Scapin lui apportait son plateau. Seule consolation évidente : on ne voulait pas le laisser mourir de faim.
Et Claire ? Qu’avaient-ils fait d’elle ? Avait-elle aussi été assommée ? Était-elle comme lui enfermée dans sa chambre ?
Bruno repensa à l’évasion manquée. Il était certain que la brute qui s’était jetée sur lui dans le trou était Hercule.
Il se toucha le crâne. Deux bosses en trois jours, cela commençait à faire beaucoup ! Après le trou noir, il s’était réveillé dans sa chambre. Impossible de sortir, sa porte était verrouillée !
Que faire à part attendre ? Regarder la télé ? Malheureusement, l’appareil ne lui proposait aucune série culte ni autre chose. Un message explicite avait remplacé celui de bienvenue :
« On ne s'évade pas de l'île aux pécheurs ! »
Un seul intérêt à cet enfermement : les nombreuses recherches dans sa mémoire. Google, par les facilités qu’il procurait, lui en avait fait perdre l’habitude.
Le contexte du péché dans les religions. Il l’avait traité dans sa thèse, trois ans plus tôt. Une thèse rédigée tardivement uniquement par passion, en aucun cas par besoin professionnel. Il s’était fait plaisir et surtout il avait beaucoup appris.
Le professeur d’histoire avait déroulé dans sa tête tous les chapitres de « Schisme, hérésie, secte : comment qualifier la dissidence religieuse ? » et était arrivé à la conclusion que lui et ses « codétenus » pouvaient très bien être retenus prisonniers par des intégristes. Il avait en tête le nom de quelques groupuscules prétendus religieux et capables de tels agissements.
Réfléchir, continuer à réfléchir ! Il était certain qu’il allait trouver.
Soudain, il entendit frapper. Il cria « entrez ! » plus par humour nerveux que par conviction.
La porte s’ouvrit. Claire apparut dans l’encadrement.
– Claire ? Comment as-tu fait ? La porte est verrouillée.
– Tu as donc subi le même sort que moi, répondit-elle. Moi aussi j’étais enfermée. Il y a cinq minutes, j’ai entendu un petit clic. Je me suis précipitée. J’ai pu ouvrir la porte. Je voulais descendre, mais j’ai préféré passer par ta chambre.
– Entre et raconte-moi !
Scénario identique, sauf le début. Claire expliqua :
– Hercule et Fiacre nous ont repérés pendant qu’on creusait. À deux heures du mat’, je me demande ce qu’ils pouvaient bien faire dehors. Hercule t’a sauté dessus et t’a assommé. J’ai eu plus de chance que toi. J’ai seulement dû regagner ma chambre sous la menace d’un pistolet.
La suite avait été identique pour les deux : enfermement, message de réprimande affiché à l’écran et plateaux-repas.
– Ça ne te rappelle pas le lycée ? réagit Bruno. La fois où on avait été collés tous les deux par le seul pion qui distribuait encore des heures de colle ?
– Ne plaisante pas, Bruno ! Sérieusement, j’ai peur.
Il avait envie de la prendre dans ses bras pour la réconforter, mais il s’en abstint. Elle était tellement imprévisible. Il la rassura verbalement. Sans grande conviction : lui aussi n’était pas serein.
Il lui proposa de descendre à la salle à manger pour déjeuner. Il avait les réflexions de deux jours à lui livrer. Il le ferait après le repas.
En pénétrant dans la salle à manger, ils arrivèrent au beau milieu d’une altercation. Norbert venait d’avoir un geste déplacé sur Ariane qui ne s’était pas laissé faire en lui retournant une gifle. Norbert s’était emporté. Tous les autres étaient là. Ils essayaient de lui faire comprendre qu’une parole d’excuse suivie d’un retour dans sa chambre serait une bonne chose.
Étonnamment, Norbert se calma et regretta son geste. Il quitta la salle à manger, non sans oublier de ranger préalablement sa bouteille de whisky au fond du placard du bar.
– Heureux de vous revoir tous les deux, lança Jérôme aux arrivants une fois que l’ivrogne eut quitté la pièce.
– Vous savez ce qui nous est arrivé ? demanda Claire.
– Oui. On a tous eu droit au récit de votre escapade ainsi qu’à une leçon de morale par téléviseur interposé.
Jérôme continua :
– Avant le regrettable incident de Norbert, j’étais en train d’expliquer à nos amis que désormais nous étions sans doute au complet.
– Et pourquoi ? demanda Claire.
– Nous sommes lundi. Bruno est arrivé jeudi dernier, il y a quatre jours. Aucun nouveau pensionnaire ce matin. Comme nous nous sommes tous suivis à quatre jours d’intervalle et en l’absence de nouvel arrivant ce matin, cela veut dire que nous sommes au complet. Mais au complet pour faire quoi ? Ça reste un mystère. Qu’en pensez-vous Bruno ?
Bruno n’écoutait pas. Il venait de découvrir le détail qui l’intriguait depuis trois jours et qu’il n’avait pas réussi à identifier jusqu’à présent.
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