Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 26

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Ariane s’était laissé raccompagner par Renaud jusqu’à la porte de sa chambre.

– Merci, ça va aller maintenant, lui avait-elle dit en libérant le sexagénaire.

– Vous n’avez besoin de rien ? Je peux vous remonter une boisson, si vous voulez.

– Non merci. C’est gentil. Je vais m’allonger un moment et je descendrai rejoindre tout le monde quand ça ira mieux.

Ariane referma la porte et alla s’étendre sur le lit. La mort de Norbert l’avait beaucoup secouée. L’homme lui était profondément antipathique, mais pas au point de souhaiter sa disparition.

Alors qu’elle s’était assoupie, un toc-toc à la porte la réveilla. Scapin entra sans attendre la moindre autorisation. Il apportait une bouteille sur un plateau.

– Qu’est-ce que c’est ? réagit Ariane.

– Vous voudrez bien m’excuser, Mademoiselle. J’ai ordre de vous apporter ceci.

– Vous… vous… vous apportez du champagne alors qu’il y a un mort dans le jardin ?

– Oui, je sais, Mademoiselle. Mais le jardinier s’en occupe.

Ariane était tellement désorientée par la réponse qu’elle ne sut quoi ajouter. De toute façon, Scapin était déjà parti après avoir déposé le plateau sur le guéridon.

Une bouteille de champagne, deux coupes et une enveloppe. Elle ouvrit cette dernière espérant trouver une réponse à ses interrogations. Le texte était court :

« En cet instant, je pense très fort à toi. Je viens te sauver et je veux te faire partager ma joie. Remplis cette coupe, porte-la à tes lèvres et bois en te souvenant de tout ce qui nous a réunis. Je viendrai te rejoindre ensuite. »

Elle reconnut la signature.

Ce scénario-mystère la surprit à peine. C’était bien son style. Elle sourit. Elle allait soudainement beaucoup mieux. Elle ne manquerait pas de lui demander le pourquoi de cette mise en scène. La mort de Norbert en faisait-elle partie ?

Pour l’instant, elle voulait seulement se conformer à l’injonction de la lettre afin que « sa » venue soit la plus rapide possible.

La bouteille était déjà ouverte. Ariane la prit par le goulot et versa le champagne dans les coupes.

Conformément à la lettre, elle se saisit d’une des deux coupes et la porta à ses lèvres. Elle but une première gorgée en savourant le liquide pétillant. Elle invita les souvenirs dans sa tête pour continuer à déguster l’évocation du passé avant de terminer la coupe et la reposer sur le plateau.

La suite alla très vite. Ariane ressentit d’abord une forte douleur à l’abdomen, puis elle fut prise de violentes convulsions.

Elle se dirigea vers la porte en se tenant le ventre. À peine la jeune femme avait-elle avancé d’un mètre qu’elle s’immobilisa. Une plainte rauque et inarticulée sortit de sa gorge. Ses yeux se révulsèrent.

Ariane s’écroula.

Cinq minutes plus tard, Scapin entrait de nouveau dans la chambre sans avoir préalablement frappé à la porte. Il observa rapidement le corps d’Ariane sur la moquette. De la mousse blanche sortait de la bouche. Il n’eut pas besoin de procéder à une vérification plus poussée. Il enjamba le cadavre pour atteindre le guéridon. Il récupéra le plateau avec la bouteille, les coupes et la lettre. À la place, il déposa un feuillet dactylographié, puis ressortit de la chambre et ferma la porte à clé.

Ariane ne pourrait hélas jamais lire le message placé bien en vue sur le guéridon.

« Le moment de la rédemption est arrivé. »