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Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 39


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Rochemans (Haute-Loire) – mardi 24 mars 2020, 4h

Bruno souffla quand il vit dans les phares le panneau indiquant :

ROCHEMANS 3,5

La veille au soir, dans l’habitacle de la Mini, seul Bruno avait dormi quelques heures. Quant à Claire, la douleur l’avait empêchée de trouver le sommeil.

Comme prévu, ils étaient partis à minuit et avaient emprunté les petites routes pour rejoindre la Haute-Loire. Claire avait conservé son siège en position inclinée.

Ils arrivaient enfin à Rochemans. L’aube commençait à poindre. Bruno bifurqua à droite sur une route étroite, un kilomètre avant le village. Quelques minutes plus tard, le goudron laissait la place aux cailloux et aux ornières. Les cahots ravivèrent la douleur et Claire poussa un cri. Bruno ralentit.

– Tiens bon ! On est presque arrivés.

– Ne t’inquiète pas pour moi ! Ça va, mentit-elle.

La maisonnette apparut dans les phares au milieu de la forêt. Une ancienne bergerie datant d’une époque où les moutons empêchaient les arbres de pousser. Au fil du temps, les chênes et les châtaigniers avaient conquis les lieux. Seul le nom avait subsisté : « la Bergerie ».

La Mini contourna la vieille demeure en pierre pour prendre la pente d’accès à l’ancienne cave transformée en remise sous la maison. Bruno descendit de la voiture et alla ouvrir le portail en bois vermoulu.

Les habitudes n’avaient pas changé : la remise n’était jamais fermée à clé. Les phares éclairèrent l’imposant bric-à-brac entassé au fil des années. Heureusement, il restait un peu d’espace libre au centre. Bruno y gara la Mini.

– Je t’abandonne deux minutes, dit-il à Claire. Le temps de vérifier qu’il n’y a pas de problème dans la maison.

Elle lui prit la main en guise de réponse.

Bruno revint cinq minutes plus tard.

– Tout va bien. Je vais t’aider à sortir.

Descendre de la Mini se révéla laborieux. Claire n’avait plus de force. En la tenant contre lui, Bruno s’aperçut qu’elle était bouillante. La fièvre, certainement. Il fallait sortir de la remise et monter les quatre escaliers pour entrer dans la maison dont il avait laissé la porte ouverte. Il était certain que Claire ne réussirait pas à se déplacer pour arriver jusqu’à la chambre.

– Passe tes mains autour de mon cou ! Je vais te porter.

Elle s’accrocha à lui. Elle était faible, prête à s’évanouir, mais pour ne pas le laisser paraître, elle répondit avec un peu d’humour :

– Tu as intérêt à être fort. Je suis une fausse maigre, tu sais !

En lui passant l’avant-bras sous les genoux, Bruno la souleva et se dit qu’elle avait raison. La douleur la fit grimacer une nouvelle fois et elle retint une plainte pour qu’il ne s’en aperçoive pas.

Bruno quitta la remise, son fardeau sur les bras. Il espérait qu’il arriverait à la porter jusqu’au bout. C’est dans ce genre de moment que l’on regrette de ne plus faire de sport. Mais la volonté fut la plus forte. Après un périple de quatre marches et d’une vingtaine de mètres, il déposa délicatement Claire sur le lit de la plus grande chambre.

Il lui toucha le front. Elle était brûlante.

– Ma sœur est toujours très organisée. Je suis sûr que je vais te trouver quelque chose pour te soulager.

Il retourna dans la pièce principale qui abritait la cuisine. Il chercha dans les rayons et les tiroirs du buffet et trouva le coin pharmacie. Il prit un verre, le remplit au robinet de l’évier et retourna dans la chambre.

– J’ai trouvé du Doliprane, dit-il en lui tendant le verre d’eau et les deux gélules.

– Merci.

Elle but, puis lui attrapa de nouveau la main.

– Je ne suis pas bien.

– Ne t’inquiète pas. Le cachet va vite faire effet.

– Non, c’est pas ma jambe, c’est ma tête. Comment ai-je pu être aussi démente ? Je ne mérite pas de vivre.

– Tais-toi ! Et essaie de dormir ! Je vais m’allonger dans la petite chambre à côté. Dans une heure, j’irai voir Sophie avant l’ouverture de l’épicerie pour la prévenir. Il ne faut pas qu’on me voie dans le village.

Il voulut dégager sa main.

– Non, reste ! S’il te plaît, reste avec moi !

Il n’eut pas à se faire violence pour accepter. Il s’allongea à côté d’elle.

– Parle-moi de ta sœur, et aussi de cette maison ! Tu as l’air de bien la connaître !

– La Bergerie est l’ancienne maison de ma tante. Je venais souvent en vacances quand j’étais petit. À la mort de ma tante, Sophie et Pascal, mon beau-frère, l’ont rachetée à mon cousin. C’est un peu leur maison de campagne à quelques kilomètres de chez eux. Ils tiennent la seule épicerie du village et viennent ici aux beaux jours le dimanche et le lundi. Un peu plus bas, il y a un étang où Pascal aime pêcher. C’est un joli coin, je t’y emmènerai quand tu pourras marcher et que…

Elle s’était endormie. Il dégagea délicatement sa main, se leva et quitta la chambre. Il fallait un bon quart d’heure pour rejoindre le village par le sentier, et il était bientôt cinq heures. Si Sophie n’avait pas changé ses habitudes, elle serait déjà en train de réassortir les rayons de l’épicerie en attendant la livraison des journaux.

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