Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 46

[if !supportLists]46

Rochemans – le même jour

Bruno était retourné au village par le second sentier et revenu par le premier en se montrant vigilant. Son plan : repérer quelqu’un qui aurait pu suivre Sophie en le prenant à revers. Mais il n’avait surpris personne.

De retour à la Bergerie, il avait rejoint les deux femmes dans leur cachette. Une exploration discrète des alentours n’avait révélé aucune présence humaine. Sophie était repartie chez elle après avoir laissé sa botte de radis. Mieux valait que son absence à l’épicerie fût de courte durée.

Le stress était retombé. Claire voulait se changer les idées. Elle redemanda à Bruno de l’emmener jusqu’à l’étang. Celui-ci rappela qu’il faudrait marcher une quinzaine de minutes à travers bois pour y arriver. Claire insista.

Après tout, à part la durée, le trajet ne représentait aucune difficulté, même en robe et en petites chaussures.

Ils partirent donc à travers bois en direction de l’étang.

Incroyable comme la mémoire ancienne est persistante ! Des années que Bruno ne s’était pas rendu à l’étang, pourtant il retrouva aisément le chemin.

Une demi-heure plus tard, le couple découvrait avec ravissement l’étang bordé d’arbres et de roseaux. Une barque était amarrée à un ponton de fortune. Le calme qui régnait était des plus apaisants.

– Rien n’a changé, expliqua Bruno. Quand j’étais gamin, je venais me baigner ici avec mon cousin. On était courageux car, même en été, l’eau de l’étang est très froide. Et regarde ! Là, c’est la barque de Pascal. Il vient pêcher tous les dimanches. Il faudra d’ailleurs trouver une solution pour dimanche prochain au cas où il décide de passer par la Bergerie.

Claire dévorait des yeux l’agréable paysage. Pour la première fois depuis une semaine, elle retrouvait la sérénité.

– Pas trop fatiguée ? demanda Bruno. Et ta jambe ?

– Ça tire un peu, mais je ne regrette pas d’être venue jusqu’ici. Si tu savais comme je me sens mieux tout à coup !

Il l’avait deviné. Il la trouvait rayonnante. Ils s’assirent sur la berge.

– Je prends vraiment conscience des conneries que j’ai pu faire depuis deux ans.

Bruno n’était pas psychologue, mais il sentait bien qu’elle avait envie de parler.

– Tu n’as pas à te justifier, lui répondit-il. Mais si ça te fait du bien de te confier, comme au temps du lycée, ne te retiens pas !

Elle lui renvoya un sourire.

– Tu dois te demander comment je suis tombée là-dedans. Je vais t’expliquer : fin 2017, Emma a contracté une méningite foudroyante. Elle a été hospitalisée. Tu sais comme je suis croyante. J’ai beaucoup prié pour que ma fille guérisse. Mais en moins de deux jours, l’état d’Emma s’est aggravé. Les médecins nous ont annoncé que son organisme avait rejeté tous les traitements. Ce genre de cas est rare, mais il a fallu que ça tombe sur ma fille. Emma était condamnée. Elle en avait pour un jour, voire deux au maximum. Je suis restée à son chevet et j’ai continué de prier. Le lendemain après-midi, alors que l’état d’Emma avait encore empiré, un couple m’a abordée dans le couloir de l’hôpital. Il avait l’air de connaître la situation. Il m’a remis un livre dont certains passages étaient entourés au crayon. Il m’a dit de retourner dans la chambre et de les lire à haute voix en y croyant très fort.

– Le couple appartenait aux Soldats ?

– Oui. Et j’ignorais la raison de leur présence dans le couloir.

Bruno le savait. Les Soldats de la rédemption connaissent les endroits où trouver des gens en détresse pour les enrôler. Un hôpital pour enfants, par exemple !

– J’ai lu comme ils me l’avaient demandé. Sans arrêt, pendant des heures ! Et en fin de journée, Emma a remué la tête et ouvert les yeux. Une semaine plus tard, elle était guérie !

Claire n’eut pas besoin d’expliquer davantage. Cette journée avait suffi pour la convaincre de rejoindre les rangs des Soldats de la rédemption.

– Plus tard, les médecins m’ont avoué qu’ils avaient tenté un dernier traitement non encore autorisé et qu’il avait fonctionné. Mais pour moi, c’était la lecture de la bible des Soldats de la rédemption qui avait sauvé ma fille.

Un témoignage parfait qui aurait pu étayer la thèse de Bruno, si celui-ci en avait eu connaissance à l’époque !