Le Prisonnier de l'île aux pécheurs - épisode 47

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Bruno avait écouté Claire attentivement, captivé qu’il était par l’authenticité de ce témoignage poignant.

Quant à Claire, jamais elle n’aurait cru que lui raconter tout ça la soulagerait. Elle se laissa tomber en arrière pour s’allonger. Elle regarda le ciel bleu. Des oiseaux le traversaient. Claire se sentait libre, comme eux. Elle était bien !

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Bruno bascula sur le côté pour la rejoindre et s’appuya sur le coude.

Une folle envie de l’embrasser ! Mais le souvenir du passé l’en empêcha.

Claire sentait se déclencher au plus profond d’elle-même un séisme qu’elle ne maîtrisait pas. Elle savait seulement qu’elle était enfin sortie de son état d’hypnose. Elle avait désormais retrouvé son libre arbitre. Mais elle ressentait un vide au fond d’elle-même. Elle avait besoin de le combler, mais sans laisser aux autres le soin de le faire.

Pour commencer, elle dévora l’image de Bruno allongé à côté d’elle. Sa patience, sa gentillesse, son pardon et beaucoup d’autres choses, indéfinissables, ou tout du moins qu’elle ne voulait pas définir !

Tout s’était écroulé autour d’elle, mais Bruno était là, toujours là.

Elle eut envie de se faire toute petite pour qu’il la protège. Elle voulait ne plus avoir le moindre secret pour lui afin qu’il la possède tout entière.

Elle glissa la tête sous l’épaule de Bruno.

– J’ai encore besoin de te raconter un morceau de ma vie que je voudrais ne jamais avoir vécu. Pourtant personne ne m’a forcée. Tant pis si après tu me prends pour une folle.

– Une folle ne m’aurait pas, par deux fois, sauvé la vie, répliqua-t-il.

Belle pirouette ! Il avait réussi à taire la condamnation à mort dont elle était à l’origine.

Elle se lança :

– Après la guérison d’Emma, Daniel et moi avons entretenu des relations étroites avec les Soldats de la rédemption. Daniel leur a apporté un énorme soutien financier. Nous avons appris l’histoire de cette religion et les exigences de son dogme dont la rigueur n’était pas pour me déplaire. Daniel s’intéressait davantage aux procédés utilisés pour convertir les autres. Sur ce sujet, je restais en retrait. La pensée pieuse me suffisait. Je ne voulais pas faire de prosélytisme. J’avais d’ailleurs émis des réserves sur certaines méthodes utilisées par les Soldats. J’avais souvent des divergences avec Daniel sur ce point-là jusqu’au jour où il a invité le couple de l’hôpital. Ils sont venus dîner à la maison. Nous avons beaucoup parlé avec eux. Par la suite, ils nous ont reçus plusieurs fois chez eux. Ils étaient très forts, car ils ont réussi à mettre le doute en moi. Ils m’ont convaincue que je n’étais pas un bon Soldat et que j’avais encore beaucoup à apprendre.

– La méthode est hélas classique ! commenta Bruno. Le procédé est utilisé dans beaucoup de sectes.

Claire poursuivit :

– Je devais renforcer ma foi. Ils disaient qu’ils croyaient en moi, que je pouvais devenir une meilleure fidèle. La proposition qu’ils allaient me faire était réservée à une élite. J’étais libre d’accepter ou de refuser. À moi de saisir ma chance. Malgré leurs explications, j’ai hésité, mais le signe approbateur de Daniel a fini par me convaincre.

Engelmatt (Alpes suisses) – deux ans plus tôt, janvier 2018

L’ancien monastère bénédictin apparut derrière le brouillard hivernal. La Mercedes s’arrêta devant la grande porte en bois et en fer forgé. Claire descendit, ferma son manteau pour se protéger du froid qui la pénétrait et attendit. Elle n’avait aucun bagage.

La porte s’ouvrit. Elle entra. Sur la table au début du grand couloir, il y avait un masque de sommeil comme ceux que l’on met sur les yeux quand on veut dormir dans les avions. Conformément aux consignes qu’elle avait reçues, elle s’en saisit et l’ajusta sur son visage. Elle attendit de nouveau.

Claire sentit une main prendre la sienne. Aveugle, elle se laissa guider. Elle appréhendait les deux semaines qu’elle allait passer dans ce monastère, tout en se réjouissant par avance : sa foi en ressortirait renforcée.