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L'Auberge de la vérité Acte 1 Scène 7

(Madame Michu, Henriette)


Henriette entre, un nouvel entonnoir à la main, sa canne dans l’autre. Elle ne remarque pas la présence de Madame Michu.

Henriette : Ah les salopiauds ! Ah les salopiauds ! Ils ont changé l’horaire de mon feuilleton, sans me prévenir.

Henriette pose l’entonnoir sur le comptoir à côté des autres. Elle attrape la bouteille de liqueur et en boit une gorgée. En reposant la bouteille elle aperçoit Madame Michu.

Henriette : Tiens, Cunégonde ? J’t’avais pas vue. Qu’est ce qui t’amène ?

Madame Michu : (relevant le nez du registre) Moi non plus, j’t’avais pas vue ! Comme je m’ennuyais, je me suis dit : « Tiens si j’allais dire un petit bonjour à l’Henriette ».

Henriette : T’as bien fait. À ton âge, faut bien qu’tu t’occupes !

Madame Michu : C’est exactement ce que je me disais. À mon âge, c’est un devoir de s’occuper des vielles personnes.

Henriette : Alors occupe-toi d’tes fesses ! Et aide-moi donc pour mes mots fléchés… si ta cervelle fonctionne encore ! (Elle va s’asseoir et reprend ses mots fléchés). Je coince sur cette définition : « gonfle et durcit quand on le met à la bouche » (elle réfléchit). Ça t’inspire Cunégonde ?

Madame Michu : Non ! J’suis trop jeune !

Henriette : (réfléchissant) Qu’est-ce que ça pourrait bien être ? Ah ben oui, c’est évident (elle épelle) B.A.L.L.O.N. : ballon. (Au public) J’vois pas ce qu’il y a de drôle ! Dis-donc Cunégonde, qu’est ce que tu fabriques derrière le comptoir ?

Madame Michu : Comme t’étais pas là pour me recevoir, j’ai trouvé à m’occuper en t’attendant. Je regarde le registre. Dis-donc, y’a du monde aujourd’hui. Il n’y a plus que deux chambres de libre.

Henriette : Oh, moi tu sais, je regarde pas trop les réservations.

Madame Michu : Tu devrais, c’est intéressant. Tiens ? Les danseuses sont parties.

Henriette : Oui, ce matin. Elles sont reparties pour Paris, retrouver leur cabaret. C’est dommage, ça me rappelait ma jeunesse.

Madame Michu : T’as dansé au Crazy Ours quand t’étais jeune ?

Henriette : Crazy Horse, ignare ! Non, moi je voulais faire de la danse classique. J’aurai aimé être un petit rat.

Madame Michu : Petit rat ? T’aurais voulu être une souris ?

Henriette : Mais non, petit rat à l’Opéra. T’es vraiment inculte, Cunégonde !

Madame Michu : Holà, comment tu le prends, Henriette. Je viens juste pour causer, pour te sortir de ta solitude, te rendre service, et tu m’agresses. Ça tiendrait que de moi, je retraverserais la cour pour rentrer à la maison.

Henriette : Eh bien, vas-y !

Madame Michu : Mais je ne suis pas comme ça. Je vais rester encore un peu tant que j’ai pas fini de regarder les réservations. Bon, voyons voir : Jacqueline Dézieux, qu’est-ce qu’elle vient faire à l’auberge, celle-là ?

Henriette : C’est une dame qui écrit des livres et qui voit pas bien.

Madame Michu : La pauvre. Ah, tiens ! J’en ai un autre : Édouard de Fouillouse. Voila que ta nièce reçoit des nobles maintenant !

Henriette : J’sais pas. J’l’ai pas encore vu, lui.

Madame Michu : Bon, les autres, je les connais. Ils sont là depuis plusieurs jours. Il n’y a plus rien d’intéressant, je vais retraverser pour faire tremper ma soupe. Allez, salut Henriette ! Te couche pas trop tard ! À demain ! (elle sort dehors).

Henriette : C’est ça, à demain Cunégonde ! Puisque t’as rien d’autre à faire à ton âge !

Madame Michu retourne dans sa maison et se met à la fenêtre.

Madame Michu : (à sa fenêtre) Holà ! On dirait qu’y a du monde qu’arrive. La soupe attendra !


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